Paludisme – 170KG

Nous voici le 11 septembre 2001, début d’après-midi en France, début de matinée à New-York, je suis dans la voiture avec mon père. Celui-ci cherche désespérément une solution pour savoir ce que j’ai. Depuis maintenant quelques heures j’ai une fièvre très forte avoisinant les 41°, je suis limite au bord du délire, frigorifié et en même temps transpirant comme si j’allais me déshydrater. Pris de spasmes de plus en plus violent, nous en sommes au 4ème hôpital qui ne sait toujours pas ce que j’ai. Mon père allume la radio et là je me demande si oui ou non je suis en plein délire…

On entend alors le journaliste raconter une scène totalement incroyable, deux avions viennent de percuter les twins-towers et l’une d’elle était en train de s’écrouler. Nous étions totalement subjugués. Nous nous dirigeons vers l’hôpital militaire de Lyon, les crises sont permanentes. Le médecin des urgences me pose alors une question qui va tout changer. 

Revenez-vous de vacances d’un pays équatorial?

Oui je reviens de Côte d’Ivoire, j’y étais 3 semaines pour une mission humanitaire.

Très bien dans ce cas, dirigez-vous immédiatement vers l’hôpital de la Croix Rousse, ils ont un service bactériologique ils pourront être plus efficace que nous.

Merci docteur !

Mon père et moi repartons alors en voiture pour traverser Lyon dans l’autre sens.

Je suis dans un état vraiment catastrophique, je dégouline de partout alors que je me sent totalement frigorifié. Je ne cesse de trembler, j’ai vraiment la sensation que c’est bientôt la fin…

Nous arrivons enfin aux urgences du services des virus et maladie infectieuse, le docteur me prend en charge immédiatement, mais j’ai un petit trou noir quand à ce moment là, il se pourrait que j’ai perdu connaissance.

Je me réveille 1h plus tard, ils m’avaient fait une injection pour que je me détende. J’ouvre les yeux et je me trouve dans une pièce vraiment sombre, les murs tirant entre le jaune et le marron foncé, c’est vraiment glauque comme endroit me suis-je dit dans la tête. Puis un interne vient me voir et m’explique alors ce qu’il se passe :

Vous avez été contaminé par un moustique lors de votre séjour à Abidjan, il vous a transmis le paludisme. (Une maladie qui se transmet par le moustique femelle)

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, la bonne c’est que ce palu appelé scientifiquement paludisme à plasmodium falciparum est mortel, mais vous êtes arrivé à temps du coup nous vous avons mis sous quinine et ce pour les 6 prochains mois. La mauvaise nouvelle c’est que vous avez aussi attrapé le paludisme malariae qui celui-ci vous causera des crises très longtemps si ce n’est toute votre vie.

Bah au moins je suis vivant ! c’est le principal !

La crise que vous avez vécu aujourd’hui, va se répéter régulièrement dans les prochains mois, voici une ordonnance pour un médicament qui calmera les effets secondaires du paludisme. Vous pouvez rentrer chez vous.

Merci docteur. Bonne nuit

Mon père est aussi sonné que moi je crois. Nous rentrons alors à la maison car j’ai vraiment besoin de repos.

J’ai du être bien shooté car ce sont les seuls souvenirs que j’ai de ce moment là.

Je me souviens par contre de cette année que j’ai bien foutu en l’air, je regrette juste ma fainéantise mais le reste non, j’allais passer l’année avec mon futur meilleur ami qui allait devenir un frère pour moi et vivre ma 1° année d’étudiant mais commettre aussi la 1° erreur de ma vie.

A cette époque je viens de fêter mes 19 ans, je suis un jeune homme qui se fait soigner pour sa puberté régulièrement, les choses avancent bien mais c’est pas encore ça… Je commence à peine à avoir de la barbe et des poils au pubis. Pour un homme devoir attendre si longtemps pour ressentir ces effets qui font de vous un Homme sont un soulagement car ce n’est pas normal d’être aussi en retard.

C’est une véritable souffrance, déjà que je n’étais pas normal de par mon obésité, mais d’avoir en plus ce problème de virilité est une véritable épreuve.

Cette année là, je vais passer un BTS informatique de Gestion sur un lycée qui se trouve à Lyon toujours sur la colline de Fourvière mais de l’autre côté des Lazaristes sur les hauteurs.

Étant boursier (mes parents ont à l’époque de très faible revenus et nous sommes 6 enfants à charge) j’ai le droit à une chambre d’étudiant dans la résidence universitaire qui se trouve à 1km à pied du lycée. À l’époque je pèse encore plus de 170kg. Je vous laisse imaginer la difficulté de se déplacer à chaque fois pour aller au lycée et retourner dans ma chambre, comme si vous faisiez l’ascension du Mont-blanc… Mais au moins j’avais mon “indépendance”, je faisais ma vie comme je l’entendais sans personne pour me dire ce que je dois faire ou non en un mot : La Liberté quoi.

Malgré l’anneau qui était là, mon amour pour le chocolat sous toutes ses formes ne fit que devenir plus grand et toujours plus invasif. Kinder, plaquettes de chocolat au lait ou blanc, tout y passais. Le pire c’était les gâteaux apéro, je pouvais m’avaler un paquet entier de 800g de “curly” avec une bouteille de coca devant mon jeu vidéo préféré. J’avais effectivement trouvé un moyen de boire du coca malgré l’anneau, (il suffisait de faire sortir le gaz plusieurs fois de la bouteille pour que celui-ci s’échappe et que je puisse boire sans me faire mal à l’estomac). Ils avaient peut-être réussi à réduire le passage, réduire la quantité de produits que je pouvais avaler quotidiennement mais j’étais toujours aussi obnubilé  par la bouffe. En écrivant ces lignes j’en ai presque la nausée de tout ces souvenirs, car vraiment j’étais une personne boulimique, dramatiquement boulimique, j’en étais au point de manger des produits qui allaient forcément me faire vomir, mais le sachant à l’avance je continuais quand même. Et effectivement à cette période, j’ai dû m’adapter en permanence au passage de l’anneau. Ce fût un véritable calvaire. Non seulement pour mon estomac, ma faim permanente, mais également mes belles dents et mon beau sourire. 

Car oui à l’époque je me trouvais moche, laid, n’importe quel adjectif conviendrait, mais j’avais une chose pour moi… Un sourire radieux! J’ai toujours sourit face à l’adversité, face à toutes les difficultés auxquelles j’ai dû faire face. Je ne sais pas d’où vient cette force mais la résilience fait partie intégrale de ma personnalité.

Sauf que voilà, ce beau sourire allait être totalement détruit, petit à petit sur 7 longues années… à cause de l’acide gastrique qui remonte à chaque fois que ton estomac renvoie ce que tu avales. Mais ça je ne le découvrirai que bien plus tard.

Ce sourire m’a permis je pense, de me faire de bons amis, à l’époque avec mes frères nous étions souvent ensemble le week-end ; puisqu’en semaine, ils sont pensionnaires et moi je vis à 40km de chez mes parents. Forcément les amis des uns deviennent les amis des autres et je me rappel alors qu’un jour ils reviennent de l’école avec un copain qui va passer le week-end à la maison. 

Maman me dit alors, “il s’appelle Emmanuel, il y a des petits soucis dans sa famille donc il reste chez nous pour le moment”

Ok, super, on fait connaissance, ses amis l’appelle Manu, je fais donc comme tout le monde, et une amitié commence à se tisser. Nous passons de plus en plus de temps ensemble, il vit dans une très belle maison dans la région des pierres dorées dans le Nord de Lyon, cette maison me rappelle mes lectures d’enfance de Marcel Pagnol, on se croirait vraiment dans un mas provençal, entourée d’un immense parc dans lequel se trouvent de magnifiques cerisiers… Ces cerisiers vont finir de lier une amitié hors-norme qui dure toujours à ce jour. Chaque printemps, Manu nous invitais avec mes 2 frères et 4 autres amis afin de récolter les cerises et d’aller les vendre. Des moments magiques et comme j’étais à l’époque le seul à avoir le permis de conduire j’étais indispensable. Sauf que une fois de plus mon poids allait me jouer un sale tour.

Nous étions en train de ramasser les cerises, il pleuvait depuis près de 48H, j’étais un peu fatigué et le sol était extrêmement glissant et en pente, surtout la sortie du champs. J’y suis arrivé en marchant un peu vite et me voilà le cul par terre la cheville gauche retournée… Je vous dit pas comme j’ai hurlé sur le coup. Encore une fois je termine dans l’ambulance des pompiers qui viennent me chercher pour m’emmener aux urgences. Me voilà avec une belle entorse et un plâtre pour 3 semaines, bien dégoûté, je décide quand même de retourner voir mes potes, et là retour du héros, nous avons passée une soirée formidable dans “le Pub” une salle aménagée sous la chambre de Manu. Imaginez un peu, un Pub irlandais dans une salle plutôt basse de plafond, des toiles d’araignée de partout, un bar un peu arrondi au milieu de la pièce, un four à Pizza sur la gauche collé au mur et entre les deux un passage pour aller dans l’arrière salle où se trouve un billard et la sono. Un lieu où nous allions passer les plus belles soirées de notre vie d’adolescent et de jeunes adultes.

Manu devient mon pote, on passe beaucoup de temps ensemble, on joue sur l’ordinateur pendant des heures, on passe beaucoup de temps à l’extérieur aussi pour aider son père dans le jardin, et un beau jour ils viennent déjeuner en famille (il a un frère et deux sœurs) chez mes parents et sa maman nous demandent de préparer “un petit truc” parce que Manu part 2 mois en “vacances” en Guyane chez des cousins pour aller travailler à la ferme. 

Déjà dans la sono avec mon frère, on prépare donc une musique “un ami qui s’en va” de Pierre Bachelet, on se retrouve tous dans le salon et on a tous chanté ça pour Manu qui en avait les larmes aux yeux. Et nous aussi d’ailleurs car je réalisais que je n’allais plus voir mon pote pendant 3 mois quasiment. C’est là que je me suis rendu compte que c’était aussi mon copain et pas seulement celui de mes frères.

Non content de passer du temps ensemble, Manu et moi se retrouvons dans la même école, lui passe son bac quand moi je prépare mon BTS. Du coup il va venir dormir dans mon studio quelques fois car il habite loin de l’école aussi, je me rappelle encore du jour où sa mère est venue apporter un matelas, une couette et quelques affaires pour lui, sauf que j’avais un studio de 14m², le pauvre allait dormir sous le bureau. Cette année là il est devenu mon troisième frangin, on a un peu fait les 400 coups ensemble.

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