En parallèle de cette émission, j’avais toujours la volonté de partir en mission humanitaire en Côte d’Ivoire avec mes copains des Lazaristes. Je continue donc à assister aux réunions régulièrement afin de préparer au mieux mon voyage. Car c’est décidé, malgré le refus des médecins de me laisser partir, c’est ma vie, je me sens mieux, j’ai perdu 15kg, je veux partir aider les enfants de la rue à Abidjan.
Je fait donc les différents vaccins nécessaires puis me renseigne sur le paludisme. J’explique alors au docteur que nous nous sommes rendu compte depuis un certain temps qu’avec mon poids il est souvent nécessaire de doubler la dose prescrite pour que ce soit efficace, mais lui ne veut rien entendre et me prescrit la dose normale de Quinine (traitement de 3 mois, 1 mois et demi avant de partir prendre un cachet tout les jours puis toute la durée du voyage et enfin 15 jours après le retour).
“Très bien docteur, merci” Je sors ainsi de la consultation sans me poser plus de question, je vais le regretter plus tard…
Nous préparons également tous les papiers pour le visa de groupe, je fais commander mon premier passeport, puis arrive le grand jour, nous nous retrouvons tous à l’aéroport de Lyon Satolas (à l’époque il n’était pas encore baptisé St Exupéry) pour un vol en plusieurs étapes : Lyon Francfort – Francfort Lagos au Nigeria – Lagos Abidjan
à l’initiale le voyage devait durer 22h mais contre vents et marée nous sommes arrivés au bout de 36h d’un voyage mémorable.
Entre Lyon et Francfort tout se passe bien, arrivée à Francfort, un aéroport immense, des halls d’une taille incroyable, des couloirs où l’on ne distingue même plus la fin tellement ils sont long, nous avions 5h de transit mais il fallait entre-temps récupérer nos bagages et les enregistrer à nouveau car nous changions de compagnie. Quelques broutilles et nous voici dans l’avion qui nous emmène au Nigeria.
Première difficulté pour ce vol de 8h, il fait aussi froid que dans un igloo, la climatisation déconne à plein tube, je vois même au dessus de moi des blocs de glace se former devant la ventilation, je n’avais jamais eu aussi froid dans un avion. Je prend mon mal en patience jusqu’à l’arrivée à Lagos.
Une fois au Nigeria, premier problème, notre avion n’est pas là, il va falloir minimum 6h avant qu’il n’arrive. Nous essayons de récupérer nos bagages, ceux-ci sont bien arrivés mais ils sont en zone de transit et nous mettons au moins 2h pour les récupérer car ce n’était pas prévu. Au bout de 6h on vient nous voir pour nous expliquer qu’ils ne savent pas où est l’avion et qu’il va falloir patienter toute la nuit pour avoir un avion de remplacement. L’attente allait être longue dans cette zone de transit (et oui, nous n’avons pas de visa pour le Nigeria, nous sommes donc confinés dans cette zone)
Sauf que voilà comme je vous l’ai dit plus tôt je dois me faire faire des injections à heure fixe tous les jours. Audrey dit Doch m’a promis qu’elle me les ferait. Nous partons donc tous les deux aux toilettes pour faire la piqûre. Sauf qu’à l’entrée des toilettes il y a un soldat, fusil mitrailleur en main qui nous demande en anglais ce qu’on fait là un homme et une femme à vouloir entrer dans les toilettes.
Moi à l’époque je parle anglais comme une vache espagnole donc je laisse Doch s’en occuper. Elle lui explique que c’est mon infirmière et qu’elle doit me faire une injection. Il nous laisse entrer dans les toilettes mais reste posté derrière la porte. Moi je suis stressé comme pas possible, la peau tendu comme de la pierre, Doch arrive à peine à m’enfoncer l’aiguille dans les fesses, puis tente d’injecter le produit, et là le soldat frappe avec le fusil sur la porte “hurry-up, hurry-up” je stress encore plus, la pauvre Doch me fait un mal de chien en injectant le produit, je pousse un cri qui calme un peu le soldat et nous permet de terminer un peu plus sereinement. On sort de là finalement mort de rire de la scène que nous venons de vivre.
Puis l’attente continue, Olivier faisait le con dans le hall de l’aéroport, nous étions tous installé au même endroit sur ces rangées de fauteuils qu’il y a dans tous les aéroport de la planète, en face de nous un groupe de religieux Juifs, et Oliv qui s’amusait à faire la dans de Rabbi Jacob (Louis de Funès) dans leur dos. Nous étions tous mort de rire. Il fallait bien s’occuper, le temps était vraiment long.
A tel point qu’à un moment une charmante hôtesse d’accueil vient nous voir et nous ouvre le VIP Lounge afin que nous puissions boire un verre et manger un morceau et passer la nuit.
Enfin un peu de confort, on nous annonce un avion pour 5H du matin, il est 1H cela nous laisse 4H pour dormir. Je me trouve un bon fauteuil en cuir, me vôtre littéralement dedans et ne prend pas 5 min pour dormir d’un sommeil profond.
5H du matin, on vient nous réveiller, pour rien puisque encore une fois celui-ci n’est pas là… Nous allons devoir patienter comme cela jusqu’à 10H, nous enregistrons à nouveau nos bagages sur Air Côte d’Ivoire et l’avion pointe enfin le bout de son nez.
Un de ces petits avions de transport, j’ai l’impression d’être St Exupéry qui part traverser les montagnes avec un petit avion à hélice. L’intérieur était par contre super classe, des fauteuils large (même pour moi qui faisait la taille de 2 hommes côte à côte) en cuir, enfin un peu de confort pour faire la dernière étape.
Après une heure de vol, nous atterrissons à Abidjan. Je vois alors un petit escalier mobile venir se poser devant l’appareil, au moment où je passe la porte de l’avion, je me prend littéralement une gifle de différence climatique en plein visage. La rampe de l’escalier est trempée d’humidité et il fait plus de 33° dehors, je n’ai jamais connu de telles température à cette époque.
Et là les ennuis ne firent que commencer…
75% de nos bagages n’étaient pas arrivés à destination, nous avions été prévenu mais delà à tenir 8 jours sans nos affaires ça allait être compliqué. Nous avions tout de même récupéré le matériel pour les enfants ce qui en soit était le principal. Après avoir chargé le matériel sur les chariots, nous sortîmes de l’aéroport et là un jeune ivoirien s’approche de moi et me propose de pousser mon charriot, pour ne pas dire qu’il me le prend des mains. Un peu perturbé, je fais signe au Frère André-Pierre qui le remercie gentiment et m’explique qu’il ne faut pas accepter ce genre de services sinon il faut leur payer le coup de main… (Dans ce cas ce n’est plus un service…)
Nous finissons par charger le matériel dans les mini-vans de l’association ivoirienne.
Puis nous partons vers l’internat dans lequel nous devons passer les 3 prochaines semaines. Je découvre alors les alentours d’Abidjan, des odeurs un peu méconnues m’envahissent, le soleil et l’humidité ne font vraiment pas bons ménage lorsque l’hygiène n’est pas au rendez-vous.
Nous arrivons dans une immense école, qui va du primaire au lycée. Une grande cour de récréation, sur la droite une immense chapelle octogonale, sans aucun mur, juste des piliers qui maintiennent le toit pointu surmonté d’une croix magnifique. Les bancs très nombreux sont tous alignés et orientés vers le centre de la chapelle où se tient un autel. (Ce doit être bien fréquenté pour les offices…)
Sur la gauche, un bâtiment en dur, en béton, vieille construction des années 60 ou 70. Ce bâtiment abritait la maison des frères, nous étions dans un pensionnat des Frères des écoles chrétiennes créé par St Jean Baptiste de La Salle dont la vocation était d’apporter même laïquement l’éducation auprès de tous les enfants.
Ces frères étaient des laïcs consacrés, et leur vocation suivait celle de leur mentor. la plupart étaient des professeurs d’histoires, de lettres, de mathématiques ou autres matières.
Puis entre ces deux bâtiments un immense parc entouré de 3 bâtiments tous identiques au premier. Chaque bâtiment avait son utilité : le dortoir des petits, le dortoir des grands et les salles de classes.
Sur la droite de ce grand U se trouvait les installations sportives. Un peu partout étaient disposés des bancs, le tout sous quelques arbres et palmiers.
Sauf que voilà, l’été cet internat était aussi utilisé pour des pèlerins, du coup on nous explique qu’il nous est impossible de prendre nos quartiers pour le moment et pour les 3 prochains jours également… Là je me demande vraiment comment nous allons faire? Nous sommes quand même 13 personnes, où allons nous pouvoir dormir durant 3 jours et surtout ce soir, nous étions tous épuisés par ce vol sans fin.
Le frère André-Pierre passe alors un coup de téléphone et reviens 5 minutes après pour nous dire que tout est arrangé.
Tous très dubitatifs, nous le suivons, il nous fait alors remonter dans les vans et nous traversons alors Abidjan.
L’internat était situé à quelques km de la base militaire française du 42° BIMA (Base d’infanterie de Marine), nous passons alors devant et je me rappelle que Maman m’a parlé d’un cousin Hervé qui est basé ici depuis 2 ans avec sa femme et ses enfants, j’en parle alors au frère et je décide de l’appeler dès que possible afin de lui rendre visite. Puis nous traversons le pont Charles de Gaulle, l’un des seuls ponts qui mène au centre ville d’Abidjan surnommé “le Plateau” avec le pont Félix Houphouët-Boigny. Je découvre alors une ville tout ce qu’il y a de plus normale, voir même moderne malgré mes préjugés sur ce pays. Il y a même plus de tours que je n’en ai jamais vu. Nous passons également devant le grand stade d’Abidjan. Puis nous redescendons de l’autre côté de la ville pour arriver dans un quartier du nom de Cocody. Nous arrivons alors à destination, nous sommes au milieu d’un quartier où les maisons dépassent rarement le rez-de-chaussée, ce qui permet d’avoir une belle vision d’ensemble. la plupart des maisons sont recouverte de chaux blanche. l’état des rues et du bitume est catastrophique, de quoi abimer une voiture tout les 10 mètres.
Nous rentrons alors chez notre hôte, de l’extérieur je me demande où est-ce que nous allons tous dormir?
Une belle mama africaine, resplendissante dans son boubou de toutes les couleurs, sort de chez elle et accueille Frère André-Pierre les bras ouverts puis nous embrasse tous chaleureusement. Puis je vois sortir une puis deux puis trois puis quatre jeune femme, suivi du double d’enfant, j’ai alors pensé que les hommes étaient au travail. Cette famille déjà très nombreuse nous accueillait à bras ouvert, nous furent reçus comme des rois. Le personnel de maison était déjà entrain de préparer le repas du soir, je voyais de grands barbecue derrière la cuisine, dans le jardin, plusieurs dame étaient en train de faire griller des morceaux de poulets et de poissons. Nous allions nous régaler (ah non pas moi… c’est interdit tout ça pour moi, l’anneau va me le rappeler à la première bouchée, d’ailleurs qu’est ce que je vais pouvoir manger???)
Cette question infernale : Qu’est-ce que je vais pouvoir manger?
À cette époque je ne pensais pas qu’encore aujourd’hui je pourrait me la poser encore et encore. Je vient juste d’apprendre que je suis malade, mais cette culpabilité qui revient dès que je pense à la bouffe 20 ans après me ronge encore de l’intérieur, mais revenons en à nos moutons.
Je crois que quelqu’un est allé dire un mot pour moi à notre hôte qui vient me voir et me demande ce que je peux avaler, elle me propose différents plats ivoirien que je ne connais absolument et lui explique donc mon problème. Elle m’apporte alors une purée de mangue et un jus frais de mangue également, ce jour là je suis tombé amoureux de ce fruit si goûtu et si parfumé. J’essaye également le poulet grillé mais ce qui devait arriver, arriva et je me retrouva à courir aux toilettes pour vomir tout ce que je venais d’avaler.
En sortant de là je me retrouva tout seul dans ce grand salon et me rendit compte alors que cette famille venait de nous donner les 2 plus grandes pièces de la maison pour que nous puissions dormir tandis qu’eux allaient se retrouver à 10 dans une seule chambre. Je pris alors une belle leçon d’humilité et de solidarité.
La nuit fut tout de même difficile pour moi, dormir au milieu de tout le monde, avec la chaleur étouffante, le bruit du ventilateur, et le pire… la moustiquaire au dessus de la tête. Il allait falloir beaucoup d’imagination pour arriver à s’endormir et surtout avoir le courage de tenir 2 nuits comme ça.
Mais le sommeil arriva plus vite que prévu. Le lendemain, nous partons vers le centre du BICE qui se trouve en plein centre du Plateau. De l’extérieur le centre ressemble à une école, avec une grande cour de récré. Sur la gauche un grand mur un peu abîmé qui longe toute l’école. Au fond ce qui ressemble à un dortoir et sur la droite un grand bâtiment en béton de plusieurs étages où se trouvent les salles de classes et le bureau des tontons (les moniteurs).
Dans la cour des dizaines d’enfants plutôt sages attablés en train de faire des activités diverses.
L’accueil est un peu froid au départ puis très chaleureux lorsque les Tontons comprennent qu’on est pas là pour prendre leur place… Mais juste leur donner un petit coup de pouce durant les 3 prochaines semaines.
2 jours plus tard, nous pouvons enfin nous installer dans le lycée. Le soir même nous voulons tous prendre le temps d’une bonne douche chaude… ahhh non ici il n’y a pas d’eau chaude… Dur, très dur, de se dire que les 3 prochaines semaines se feront à l’eau froide. Bref, nous prenons tous une bonne douche dans l’intimité qu’offre des douches collectives, autrement dit aucune. Quelles allaient être les autres mauvaise surprises???
Je me prépare pour la soirée, nous sommes attendu dehors pour prendre un petit verre tous ensemble. J’enfile un bermuda et un polo puis je rejoint les copains sous les cocotiers.
On se pose tranquillement avec un petit verre, je me fume une cigarette et là au bout de 5 minutes je sens que mes jambes commencent à me brûler, je regarde alors mes jambes, celles-ci étaient rouges vif, des centaines de piqûres de moustiques partout. J’étais vraiment pas bien. Du coup suis reparti mettre un jean. et j’ai un peu zappé cet épisode. La mission humanitaire auprès des enfants de la rue se continue normalement cette fois-ci. Nous récupérons le lendemain nos bagages qui sont enfin arrivé à l’aéroport.
Celle-ci se termine 3 semaines plus tard plutôt bien. La situation géo-politique était particulièrement tendu, je me souviens qu’à 24H près nous n’aurions pu décoller d’Abidjan, des évènements très mauvais allaient se dérouler sur le sol Ivoirien. (Je vous renvoie à l’actualité Ivoirienne de Septembre 2001)